Pour combattre les injustices,
Il faut comprendre leurs origines et leur évolution
Sorcières, infanticides, prostituées, criminelles, religieuses, corps, sexe, sexualité, amour, mort, vieillesse, violences...
HENRIETTE DE CRANS
la 1ère comtoise brûlée pour crime de sorcellerie
Sentence criminelle prononcée le 13 mars 1434 contre Henriette de Crans, de Besançon pour hérésie, sortilèges et sorcellerie.
Voici son procès illisible pour le grand public. Brigitte Rochelandet s'est alors appliquée à le transcrire en 3 parties avec quelques modifications pour faciliter la lecture, sans toutefois corriger l’orthographe et les accords de l'époque qui était écrit en vieux "françois".
Transcription
en trois parties
Partie Une
L’an mil CCCCXXXIII, le dimanche que l’on chante la Saincte Eglise Letare Jhérusalem, VIIeme jour du mois de mars, frère Guillaume des Granges, de l’ordre des Frères Précheurs, inquisiteur de la foy, et messieur Jehan Marie, docteur en décret, Official de la cour de Besançon, prêchèrent derrière l’église cathédrale sainct Jehan, Henriette de Crans, accusée d’avoir errer en la foy, et donnèrent leur sentence contre ladite Henriette de Crans, comme hérèse et incorrigible, par laquelle sentence, ils abandonnèrent ycelle Henriette à la justice séculaire et adonques (alors), Jeahen de Roiches, escuyer, citoyen de Besançon, official et gouverneur de la cour de la régalie, pour très révérend Père en Dieu, messieur Jehan, cardinal de Rouhans (Rouen) et archevesque de Besançon, fit mener ladite Henriette es prisons de ladite régalie et le lundi suivant, furent messieurs les gouverneurs en la cour de la régalie et firent venir devant ladite Henriette et par voix de maistre Estienne de Grandvaulx, leur co-gouverneur. Fut demandez audit Jehan de Roiches, s’il avoit point d’acuseur, lequel dit que non. Et adonques, mesdits seigneurs les gouverneurs allèrent en jugement et par leur jugements rapportèrent par la voix dudit maistre Etienne, que indehuement, elle estoit détenue, vu qu’il n’y avoit point d’acuseur. Et pour ce, il la délivrèrent desdites prisons franchement. Et ainsi que ladite Henriette fut délivrée et qu’elle s’en alloit, Richard Ferrere, citoyen de Besançon, dit qu’il l’accusoit et vouloit accuser de cas de crimes et de hérésie, et fit mectre la main a elle par les sergens de ladite cour, et a lui aussi, comme accuseur et adonques elle fut ramenée en jugement et ledit Ferrere délivrez de prison, a caution juratoire, et leurs fut journée assignée au samedi suivant XIIIeme jour dudit mois. Lequel jour de samedi, fut donnée sentence contre ladite Henriette par mesdits seigneurs les gouverneurs, par la voix de Perrin Sellier, alias de Lavans, leur cogouverneur, en la manière qui s’ensuit :
Partie Deux
En nom de Nostre Seigneur, Amen. Nous les recteurs et gouverneurs, prudomes et citoyens de l’université de la cité de Besançon, vehuz par nous diligemment les faits proposez par devant l’official de la cour de régalie de Besançon et nous, entre Richard Ferrer, citoyen de Besançon, accuseur d’une part et Henriette de Crans, accusée d’autre part, de et sur certain cas de crimes touchant la saincte foy catholique, fait et perpétrez par ladite Henriette, accusée, c’est assavoir : de hérésie et invocations de dyables, en laquelle hérésie par plusieurs foiz est rechoite ladite Henriette, laquelle a fait plusieurs sortilèges par divinations, comme guérir malaides par paroles et invocations de dyables, par lesquels dyables elle a sceu les secrest et yceulx a révélez. Laquelle aussi par plusieurs fois a montez sur une remesse (balai) alant subitement de lieu en aultre, par ointure et oignemens (onguents) fait des os d’enffans, desquels elle oingnait ladite remesse, pour accomplir le péchié charnez et aultres mauvaisetés et énormes hérésie, en invocant et appellant le prinse des dyables, disant trois fois : « Beelzebur, Beelzebur, Beelzebur ». Laquelle Henriette aussi a rosti en son hostel ung enffan en la présence d’un dyable qu’elle nommoit Robert, estant avec elle pour faire lesdictes oinctures et oingnemens, et a mangier de la char rostie dudit enffans. Lesquels dyables sont aussi par plusieurs foiz entrez deux ensamble en l’ostel de ladite Henriette, par petites fenestres, les portes closes, lesquels dyables, une foiz entre les aultres, estans l’ung a la teste, l’autre aux piez d’une femme gisant malaide oudit ostel, ycelle malaide tuèrent et mirent a mort. Et a fait ladite Henriette audit dyable hommaige d’ung sien poulain qu’elle luy donna, lequel poulain ycelui dyable eust, et depuis, ne le vit, et aussi par plusieurs foiz a montée sur son dyable, qu’elle nommoit Robert, lequel dyable par plusieurs foiz l’a pourtée subitement de Crans jusqu’à Milan et plusieurs aultres lieux. Et plusieurs aultres grant et horribles mauvaisetés et très énormes hérésies a fait ladite Henriette, puis cinquante ans ensa contre la saincte Foy catholique, comme plusieurs foiz l’a confessez ycelle Henriette, accusée, comme appert la sentence donnée publiquement et généralement
Partie Trois
par monsieur l’inquisiteur de la foy et monsieur l’official de la cour de Besançon. Et pour ce, vehu tout ce que sur ce fait a veoir et considérer de droit, par nostre sentence définitive, bon, loyal rapport et jugement, disons prononçons et déclarons ledit Richard Ferrere, accuseur, de bonne et juste cause avoir accusez ladite Henriette et ycelui accuseur, licencions (libérons) de cour, franchement. Et ladite Henriette, accusée, condamnons a estre et devoir estre au jourd’uy, a deux heures après midy ou environ, menée par la grant rue, les mains lyés derrier le doz, le chevestre (corde) au col, jusque ou prez du commun de Chamay (Chamars) et en icelle place, estre lyée de chainnes de fert, droite contre une pièce de bois, et enquy (puis) soit arse (brûlée), brulée et estouffée jusques a ce mort, et son corps devoir estre consumez et mis en cendre, et se aulcune chose en demeure soit getez en la rivière. Et les biens de ladite accusée estant en ladite cité et banlieue d’icelle estre de devoir estre confisqués a la justice sauf le droit des créditeurs et le surplus du jugemens retenons a nous ».